lundi 27 mai 2013

Travail

La loyauté d'ex-employés mise à l'épreuve

Première publication 27 mai 2013 à 17h55
La loyauté d'ex-employés mise à l'épreuve
Crédit photo : archives, Agence QMI
Un ex-employé de Sher-Wood doit se plier à une injonction de son ex-employeur l'empêchant de lancer sa propre entreprise de bâtons de hockey.
Par Jean-Sébastien Marsan | Agence QMI
De plus en plus d'employeurs recourent à l'injonction contre d'ex-employés qui ont manqué de loyauté à l'égard de leur entreprise. Deux anciens employés font face à la justice parce qu'ils auraient utilisé de l'information privilégiée appartenant à leur employeur.
Un ancien employé de l'entreprise d'équipement de hockey Sher-Wood, Louis-Philippe Mathieu, doit se plier depuis le 26 octobre à une injonction l'empêchant de lancer sa propre entreprise de bâtons de hockey.
Louis-Philippe Mathieu a été à l'emploi de Sher-Wood pendant un peu plus de trois ans, d'août 2009 à la fin septembre 2012. D'abord à titre de coordonnateur marketing, puis chef de produit, bâtons de hockey.
Sher-Wood affirme que Louis-Philippe Mathieu a mis sur pied, pendant qu'il était encore en poste, une entreprise de bâtons de hockey. Après son départ, il se serait livré à une concurrence «déloyale» et «parasitaire».
D'autre part, le 15 mai dernier, la société Nouvelle Autoroute 30 (qui construit une section de la nouvelle voie sur la Rive-Sud de Montréal) a demandé à la Cour supérieure du Québec de prononcer une injonction contre un ingénieur et ancien employé, Sylvain Nantel.
Selon la requête déposée au tribunal, Sylvain Nantel a envoyé le 16 décembre 2011 un courriel par inadvertance à une avocate de Nouvelle Autoroute 30. Dans ce courriel, qui était «à sa face même» destiné à des sous-traitants de Nouvelle Autoroute 30, l'ingénieur les incitait à contester leurs contrats. L'ingénieur ne travaillait plus pour Nouvelle Autoroute 30 depuis le 28 octobre 2011.
L'entreprise et Sylvain Nantel ont échangé des menaces de poursuites judiciaires, sans y donner suite.
En avril 2013, l'entreprise a cru découvrir qu'un de ses sous-traitants utilisait les conseils de Sylvain Nantel pour contester un contrat.
Sylvain Nantel a violé l'obligation de loyauté envers son ex-employeur ainsi que le code de déontologie des ingénieurs, a plaidé Nouvelle Autoroute 30 devant le tribunal. Elle veut empêcher son ancien employé, avec une injonction, de communiquer avec ses sous-traitants.

Respecter un délai «raisonnable»

Les employés qui ont accès à des informations sensibles et stratégiques ont souvent l'obligation de signer un contrat avec des clauses de confidentialité et de non-concurrence s'appliquant un certain temps après leur départ, explique l'avocat de Louis-Philippe Mathieu, Louis Panneton (du cabinet Fontaine, Panneton & associés, à Sherbrooke). «Monsieur Mathieu n'avait pas de contrat comme tel avec Sher-Wood», précise l'avocat.
En l'absence de contrat, le Code civil du Québec s'applique : le salarié «ne doit pas faire usage de l'information à caractère confidentiel qu'il obtient dans l'exécution ou à l'occasion de son travail», y compris «pendant un délai raisonnable après cessation du contrat », indique l'article 2088.
«La jurisprudence a établi un délai d'environ six mois, période pendant laquelle un ex-employé ne peut concurrencer son employeur», souligne Me Louis Panneton.
Dans le litige opposant Sher-Wood à son ancien employé, il reste à déterminer s'il y a eu utilisation d'informations confidentielles. «Sher-Wood reproche à monsieur Mathieu de s'être servi de secrets de fabrication, mais quand on leur demande quels sont ces secrets de fabrication, ils ne veulent pas nous le dire», affirme Me Panneton.
Le tribunal n'a pas encore jugé le cas sur le fond. «N'importe qui peut importer des bâtons de hockey fabriqués en Asie », déclare Louis-Philippe Mathieu en entrevue. «Sher-Wood affirme que c'est grâce aux compétences que j'ai acquises chez eux que je peux importer, mais n'importe qui peut le faire.»
«S'il avait créé son entreprise après avoir travaillé chez Sher-Wood, pas de problème, commente la vice-présidente finances et opérations de Sher-Wood, Manon Bernard. Mais il l'a fait sur ses heures de travail, pendant un an.»

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