jeudi 25 avril 2013

Trop d’antibiotiques tuent l’antibiotique

Par Hélène Roulot-Ganzmann

Mise en ligne : 25 avril 2013

Les bactéries qui colonisent nos animaux d’élevage résistent de mieux en mieux aux antibiotiques. Et par ricochet, vous aussi, peut-être.
Photo: Shutterstock
En un an, la résistance de la bactérie E. coli au ceftiofur, un antibiotique administré aux animaux d’élevage, a bondi de 18 à 27 % chez les volailles et de 10 à 22 % chez les porcs. Et plus de la moitié des salmonelles prélevées chez les porcs et les bœufs sont désormais résistantes à au moins quatre familles d’antibiotiques!

Ces constats, révélés dans un bilan du Ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation (MAPAQ) publié l’été dernier, ont été sur la sellette cette semaine alors que l’Ordre des médecins vétérinaires du Québec annonçait la mise sur pied d’un programme de formation continue obligatoire sur l’usage judicieux des antibiotiques chez les animaux. «Car ce n’est pas sans conséquence pour les consommateurs de viande», explique le Dr Karl Weiss, microbiologiste et infectiologue à l’Hôpital Maisonneuve-Rosemont et professeur titulaire de clinique à la Faculté de médecine de l’Université de Montréal.

Développer une résistance
Même si des antibiotiques différents sont administrés aux hommes et aux animaux, ils peuvent être de la même famille. Ainsi, le ceftiofur, qui n’est administré qu’aux animaux, est apparenté au ceftriaxone qui, lui, guérit nombre d’infections telles que la pneumonie ou la méningite chez l’homme. Ce dernier, s’il consomme de la viande provenant d’animaux médicamentés, pourrait développer une résistance à cet antibiotique.

Idem pour l’enrofloxacine, utilisé chez les bovins et auquel la bactérie E. coli résiste de mieux en mieux. Il est de la famille de la ciprofloxacine, efficace notamment contre les infections broncho-pulmonaires, urinaires, gastro-intestinales et cutanées chez les humains.

«Le risque n’est pas que l’on ne puisse plus soigner ces troubles, poursuit le Dr Weiss. Mais, pour le faire, nous devrons administrer des doses plus élevées d’antibiotiques par les veines plutôt que par la bouche. Les traitements seront aussi plus coûteux, plus toxiques, avec davantage d’effets secondaires, etc. Ça risque de compliquer la situation.»

Faut-il craindre les bactéries?
Si le consommateur respecte les températures de cuisson minimales propres à tuer les bactéries dans la viande, celles-ci ne peuvent pas le contaminer directement. Des règles d’hygiène élémentaires doivent aussi être respectées, comme de nettoyer au savon tout instrument de cuisine (couteau, planche, etc.) ayant été en contact avec de la viande crue.

Toutefois, le personnel des abattoirs qui manipule des carcasses est plus à risque. «En cas de contamination, nous avons alors toute une gamme d’antibiotiques pour soigner ces employés. Mais s’ils ont développé une résistance à certains d’entre eux, le traitement sera plus long et plus cher», note le Dr Weiss.

Plus de discernement
Des antibiotiques sont de plus en plus administrés aux animaux d’élevage de manière préventive, notamment pour éviter la surmortalité inhérente à l’élevage industriel, voire pour des raisons économiques. En effet, les animaux médicamentés exigent moins de nourriture et se développent plus rapidement.

Les infectiologues travaillent de concert avec les médecins vétérinaires, mais aussi avec les pisciculteurs et les aquaculteurs, afin que les antibiotiques soient utilisés avec plus de discernement, tant chez l’homme que chez les animaux. «Ça ne veut pas dire interdire les antibiotiques pour les animaux. Mais nous devons tous mieux les utiliser, c’est-à-dire n’en administrer que lorsqu’il y a un besoin réel, et le faire de façon adéquate», explique Dr Weiss.

Les éleveurs ne sont pas les seuls à blâmer, rappelle-t-il. «C’est surtout parce que les médecins tendent à trop prescrire d’antibiotiques que la population devient résistante.»
  Pour en savoir plus
Surveillance de l’antibiorésistance, bilan 2011 (PDF) – Direction générale de la santé animale et de l’inspection des aliments, MAPAQ

http://www.protegez-vous.ca/sante-et-alimentation/trop-dantibiotiques-tuent-lantibiotique.html

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