jeudi 25 avril 2013

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Le Point.fr - Publié le - Modifié le

Chimpanzés, gorilles et orangs-outans sont toujours capturés en nombre, et leur milieu naturel se réduit chaque année, selon un rapport de l'ONU.

Un orang-outan en captivité, qui récupère d'une blessure par balle à la tête.
Un orang-outan en captivité, qui récupère d'une blessure par balle à la tête. © ALAIN COMPOST / AFP
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La scène se passe en octobre 2012. Sur le quai du port de Brazzaville, les autorités confisquent un bébé chimpanzé à bord d'un bateau. Le trafiquant prend la fuite, mais le capitaine et un membre de l'équipage sont arrêtés pour chargement illégal. Les enquêteurs remontent la piste du fuyard, qui est rattrapé. Mais le propriétaire du bateau tente de corrompre la police congolaise, puis menace d'utiliser ses "connexions auprès du président". Finalement, les suspects restent sous les verrous en attente de leur jugement. Quant au singe, blessé et malade, il sera sauvé in extremis dans un sanctuaire, où il se repose.

Commerce illégal

En Afrique ou en Asie, là où les grands singes peuplent encore les forêts vierges, ce genre d'épisode est courant. Pourtant, la plupart de ces primates sont classés dans l'annexe I de la Convention sur le commerce international des espèces menacées d'extinction (CITES), interdisant dès lors tout commerce de ces animaux. Mais cela n'empêche pas leur trafic, selon un document du Partenariat pour la survie des grands singes (Grasp), dépendant de l'ONU.
Entre 2005 et 2011, on estime à près de 3 000 le nombre de singes prélevés chaque année dans leur habitat naturel en Afrique - pour les chimpanzés, bonobos et gorilles - et en Asie - pour les orangs-outans. Ce chiffre n'étant que la partie émergée de l'iceberg : "Un chimpanzé vivant équivaut à dix chimpanzés morts", détaille Doug Cress, coordinateur du Grasp. "Vous ne pouvez pas entrer dans une forêt et juste en prendre un. Vous devez vous battre, tuer les autres chimpanzés du groupe." De même, beaucoup de singes meurent en captivité, comme les gorilles, qui, en dépit des apparences, sont parfois terrassés par leur stress lorsque la pression est trop intense.

Matches de boxe et prostitution

Pour se procurer un animal, le rapport note qu'il suffit parfois de se rendre dans un village d'Afrique centrale, où "il n'est pas rare de croiser ces animaux aux bras d'habitants". À plus grande échelle, il existe un réseau "organisé" et "sophistiqué", qui agit parfois avec la complicité rémunérée des représentants de la CITES ou des policiers locaux. Résultat : "Année après année, conférences et séminaires célèbrent un renouvellement des engagements pour sauver les grands singes [...]. Mais, à la fin, nous sommes toujours surpris de découvrir que nos efforts ne préservent pas les singes de l'extinction", regrette Ofir Drori, fondateur de l'ONG Last Great Ape Organization.
L'appétence du marché pour les anthropoïdes poilus semble en effet plus forte que la régulation internationale. On leur trouve toutes sortes d'utilités : animaux de compagnie, faire-valoir prestigieux ou peluche de service pour la photo touristique, les singes donnent souvent de leur personne... Quand ils ne sont pas carrément transformés en "boxeurs" au Cambodge ou en Thaïlande, voire en "prostitués" sur l'archipel indonésien.
Le trafic est encouragé par les marges dégagées sur ces esclaves d'un genre particulier. Un chimpanzé acheté à un braconnier pour 50 dollars par un intermédiaire peut se revendre 400 fois plus, s'il est fourni avec de faux documents officiels qui le présentent comme né en captivité. Quant au gorille, acheté 2 300 dollars au braconnier il peut être revendu plus de 300 000 dollars.

Le zoo comme seule maison ?

Le documentaire Chimpanzés, sorti en salles le 20 février, rapporte que cette espèce était encore forte de 1 million d'individus dans les années 60. Aujourd'hui, il ne sont plus que 200 000. Un effondrement qui ne s'explique pas seulement par le trafic. "Les pertes de grands singes, entre destruction des habitats, chasses et maladies, sont tellement entremêlées qu'il est difficile d'attribuer une seule raison à cette tendance", note le rapport.
Une chose est sûre, la "pression humaine" exercée en général sur les forêts (braconnage, urbanisme, agriculture) doit baisser si l'on souhaite que ces "plus proches parents vivants de l'humanité", comme le rappelle la CITES, vivent ailleurs que dans des zoos. Et le rapport de conclure que "sans renforcement international de la lutte contre ce trafic, le nombre de grands singes continuera de diminuer".

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