mardi 23 avril 2013

Centres de détention

Explosion du nombre de cellulaires saisis

Première publication 23 avril 2013 à 17h50
Explosion du nombre de cellulaires saisis
Crédit photo : archives Agence QMI
Par Louis Gagné | Agence QMI
Le nombre de téléphones cellulaires saisis dans les centres de détention du Québec a augmenté de 65% au cours de la dernière année.
Selon les données obtenues par l'Agence QMI auprès du ministère de la Sécurité publique, les agents correctionnels ont saisi 407 appareils entre le 1er avril 2012 et le 31 mars 2013, comparativement à 247 l'année précédente.
Près de la moitié des appareils (180) ont été confisqués à l'Établissement de détention de Montréal, mieux connu sous le nom de «prison de Bordeaux».
Le centre de Rivière-des-Prairies n'est pas en reste, puisque les gardiens ont mis la main sur 157 téléphones portables. La prison de Saint-Jérôme arrive au troisième rang avec 63 cellulaires saisis.
Le porte-parole des libéraux en matière de sécurité publique, Robert Poëti, s'est dit préoccupé par le «nombre ahurissant» de téléphones à l'intérieur des centres de détention. «Je trouve ça très inquiétant parce qu'il y a des criminels qui continuent de participer à des activités criminelles, même à l'intérieur des murs, grâce à ces téléphones. C'est assez inconcevable», a-t-il dit.
Le député de Marguerite-Bourgeoys a invité le gouvernement à revoir les méthodes de fouille et les vérifications à l'entrée des centres de détention, qu'il a qualifiées de «déficientes».
«Je ne peux pas penser autrement qu'il faut innover parce qu'avec ces chiffres-là, c'est clair que les méthodes ne marchent pas», a dit l'ancien policier.
Différentes sources ont affirmé au cours des dernières semaines que l'utilisation de cellulaires à l'intérieur des murs pourrait avoir servi à préparer l'évasion de Benjamin Hudon-Barbeau. Le mois dernier, le sympathisant des Hells Angels est parvenu à s'évader de la prison de Saint-Jérôme par hélicoptère, avant d'être intercepté peu de temps après.
Selon le responsable de la sécurité publique à la Coalition avenir Québec, Jacques Duchesneau, il ne fait aucun doute que l'évasion a été orchestrée à l'aide d'un téléphone portable.
«Pour que l'hélicoptère arrive, puis que les gens l'attendent sur le toit de la prison, ça prend une coordination. Comment vous pensez qu'ils l'ont eue cette coordination-là, s'ils n'ont pas de moyen de communication ? Ce n'est pas la cabine téléphonique de la prison. Tout ça est une question de fractions de seconde», a indiqué M. Duchesneau.
Le député de Saint-Jérôme a ajouté que la présence accrue des téléphones dans les prisons sous-tendait un autre problème plus grave, celui de la contrebande à l'intérieur des murs de ces établissements.
«Là, on parle de téléphones. Si on parle de téléphones, qu'est-ce qu'on est capable d'entrer ? De la drogue, des armes... C'est un problème qui est préoccupant», a indiqué l'ex-patron de l'Unité anticollusion au ministère des Transports.
M. Duchesneau a ajouté que la présence de tels objets représentait un danger non seulement pour les gardiens et les autres détenus, mais également pour «les individus eux-mêmes qui pourraient les utiliser pour se suicider».
De son côté, le ministre de la Sécurité publique, Stéphane Bergeron, a vu d'un bon œil l'augmentation du nombre de téléphones saisis. Il a expliqué qu'elle résultait du perfectionnement des méthodes de contrôle à l'intérieur des établissements.
«Puisque les méthodes sont plus efficaces, les saisies sont évidemment plus importantes, a dit le ministre. Moi, j'ai plutôt tendance à voir là l'excellent travail effectué à l'intérieur de nos établissements de détention par nos agents correctionnels.»
M. Bergeron a mentionné qu'il était en discussion avec le gouvernement fédéral afin de mettre en place un système de brouillage des ondes téléphoniques autour des établissements de détention. Il a toutefois laissé entendre que l'élimination des cellulaires à l'intérieur des prisons n'empêcherait pas les criminels de continuer à s'occuper de leurs affaires.
«Il faut être bien conscient que les détenus ont accès à un téléphone public parce que ça fait partie des droits qu'on a convenu de leur accorder, a rappelé le ministre. Alors, ce qu'ils pourraient faire via un cellulaire, ils peuvent très certainement le faire via une ligne dure.»
Jacques Duchesneau voit toutefois les choses différemment. «Ça aurait été vrai il y a 15 ou 20 ans, a-t-il dit, mais là, on est à l'ère des communications multiples, des réseaux sociaux, des messages textes et des courriels. [...] Si c'est ça l'exemple qu'il donne, qu'avec un téléphone, de toute façon, les détenus peuvent parler, c'est vraiment regarder la réalité avec des lunettes roses».
Selon le député de la CAQ, les téléphones intelligents viennent complètement changer la donne, surtout lorsqu'ils sont cryptés, puisqu'ils offrent de multiples façons de transmettre des messages sans communiquer verbalement.
«Les terroristes font ça par exemple. Je vous donne mon adresse courriel, mon mot de passe et j'écris un texte que je garde dans mes brouillons. Vous allez ensuite consulter le brouillon. Vous prenez donc connaissance du message sans que le texte ait été envoyé, sans qu'on soit obligés de communiquer», a-t-il expliqué.
Le président du Syndicat des agents de la paix en services correctionnels du Québec, Stéphane Lemaire, n'était pas disponible pour répondre aux questions de l'Agence QMI.

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