Sucre ajouté, l’addition est salée
Selon des chercheurs américains, le
sucre ajouté dans les produits alimentaires industriels serait
responsable d’une grande partie des maladies non transmissibles.
Qu’en est-il vraiment et est-ce aussi le cas en France ?
Pourquoi les scientifiques
s’inquiètent-ils ?
En février dernier, trois chercheurs
de l’université de Californie ont lancé un cri d’alarme dans la
revue Nature. Le motif : l’excès de sucres ajoutés dans notre
alimentation. En cinquante ans, la consommation mondiale de produits
sucrés a triplé. A notre insu, le plus souvent. Qui sait, en effet,
que l’équivalent de cinq morceaux de sucre se cache dans un pot de
crème au chocolat ou dans 100 grammes de sauce ketchup ? Qu’il
y en a aussi une grande quantité dans les barquettes prêtes à
l’emploi de carottes râpées ou de céleri rémoulade qu’on
achète au supermarché ? Et que pour rehausser la saveur de leurs
préparations, les industriels ont plutôt la main lourde : alors que
les fruits apportent 20 à 30 grammes de fructose naturel par
jour, les sirops employés par l’agroalimentaire dans les aliments
transformés en fournissent jusqu’à 150 grammes. Un véritable
poison pour la santé selon les scientifiques américains, qui
recommandent de taxer les produits trop sucrés au même titre que le
tabac et l’alcool et qui proposent de réduire le nombre de
distributeurs automatiques de sucreries dans les écoles et au
travail, et de doubler le prix des sodas.
Quel impact sur l’organisme ?
L’alcool, le tabac, la sédentarité,
l’alimentation déséquilibrée… pourraient être responsables de
l’épidémie mondiale des maladies non transmissibles. Celles-ci,
avec 35 millions de morts par an, tuent plus aujourd’hui que les
maladies infectieuses. Le sucre y est pour quelque chose d’après
les chercheurs, qui notent que l’on compte désormais dans le monde
plus de personnes obèses que de personnes sous-alimentées (+ 30 %).
Outre l’excès de calories qu’il entraîne et le risque de
surpoids, le fructose favoriserait l’hypertension artérielle (en
faisant monter l’acide urique), le diabète, l’accumulation des
graisses dans le foie et les maladies cardio-vasculaires chez les
personnes prédisposées.
Par son interférence avec la
production de deux hormones – la leptine et la ghréline – qui
régulent l’appétit, il diminuerait le sentiment de satiété et,
en empruntant les mêmes voies neuronales que la nicotine, il agirait
comme une drogue sur le cerveau, notamment au niveau de la dopamine,
un neurotransmetteur de la récompense et du plaisir, au risque de
provoquer une accoutumance chez certains consommateurs. A trop manger
de sucreries, on risque aussi de faire l’impasse sur d’autres
aliments et d’être carencé en calcium, fer, vitamines…
Qu’en est-il en France ?
Nous buvons deux à quatre fois moins
de boissons sucrées que les Américains ; néanmoins, un Français
consomme environ 35 kilos de sucre par an. En 2011, le Programme
national nutrition santé s’est fixé comme objectif la diminution
de notre consommation globale de 25 % d’ici à 2015, en faisant
chuter le nombre de jeunes qui consomment beaucoup de sucres rapides
(bonbons, glaces, pâtisseries…) et qui boivent plus d’un
demi-verre de soda ou de jus de fruits industriel par jour. Depuis
janvier, ces boissons sont d’ailleurs taxées à hauteur de 7
centimes par litre. Un montant peu dissuasif comparé à ce qui
existe au Danemark, où 85 centimes par litre sont prélevés sur les
glaces, et 25 centimes sur les sodas contenant plus de 5 grammes de
sucre par litre, et où une taxe de 3,20 € par kilo sur le
chocolat et les produits sucrés est également en vigueur.
En France, l’appel des chercheurs
américains a été jugé sans fondement par le Cedus (Centre
d’études et de documentation du sucre). Pas vraiment surprenant
quand on sait que la filière sucre finance chaque année la Journée
du goût et que, selon les auteurs de Vive la malbouffe (éditions
Hoëbeke, 19 euros), l’industrie sucrière affirmait il y a peu sur
son site que le sucre pourrait être un « allié minceur ».
Elle oublie juste que ce qui se passe aux Etats-Unis nous arrive
souvent avec dix à vingt années de retard…
Y a-t-il des sucres meilleurs que
d’autres ?
Le sucre apporte de l’énergie à
notre organisme, il ne faut donc pas le diaboliser. C’est l’excès
qui est néfaste. On a longtemps dit que les sucres rapides (à base
principalement de sucre de canne ou de betterave raffiné) étaient
plus mauvais pour la santé que les sucres lents (qui contiennent
80 % de saccharose, mais aussi des sels minéraux, des vitamines,
des fibres) parce qu’ils se diffusent à toute vitesse dans le
corps, entraînant parfois des coups de pompe. Mais ce n’est pas
aussi simple, car certains aliments a priori inoffensifs comme les
féculents ou encore les fruits et légumes, renferment beaucoup de
glucose à combustion immédiate.
Voilà pourquoi on considère
aujourd’hui que c’est plutôt l’indice glycémique qui compte,
autrement dit l’élévation du taux de glucose dans le sang.
Exemple : les dattes, pastèques, carottes, pommes de terre, le riz à
cuisson rapide, la baguette, les cornflakes, le pain de mie… ont un
indice glycémique élevé, tandis qu’il est faible dans les
mangues, le raisin, les pommes, les cerises, les abricots secs, les
avocats, le lait entier, les tomates, les haricots verts, les pâtes
et le riz complets, etc. D’une manière générale, mieux vaut
privilégier les produits sources naturelles de sucre (fruits, miel,
confitures ou compotes maison) que les produits transformés auxquels
du sucre a été ajouté.
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